CASNAV de l’académie de Créteil

De qui parlons-nous ?

21 / 04 / 2020
De qui parlons-nous ?
(auteure : Elisabeth Clanet dit Lamanit, janvier 2017)

Certains termes sont souvent perçus et employés comme synonymes (Gens du voyage, Voyageurs, Itinérants, Tsiganes, Manouches) alors qu’ils font référence à des concepts bien distincts, tels que le statut juridique, la mobilité ou les marqueurs identitaires.

  • Habitat mobile - statut juridico administratif - itinérance /sédentarité

Jusqu’au 22 décembre 2016, date à laquelle a été abrogée par l’Assemblée nationale la Loi de 1969 (1), toute personne « de plus de 16 ans dépourvue de domicile ou de résidence fixe logeant depuis plus de six mois dans un véhicule, une remorque ou tout autre abri mobile », relevait de cette Loi et entrait dans la catégorie juridico- administrative Gens du voyage (2).

Mais loger de façon durable dans une caravane n’est pas obligatoirement synonyme de mobilité. Une personne et sa famille peut alors mener une vie sédentaire dans les faits tout en ayant le statut de Gens du voyage.

Une autre personne peut en revanche être propriétaire d’une maison et avoir donc un domicile fixe tout en circulant dans une caravane toute ou partie de l’année. Elle est alors itinérante de fait tout en ne relevant pas de la Loi de 1969 et donc du statut de Gens du voyage.

  • Marqueurs identitaires liés à une histoire familiale

Si la catégorie Gens du voyage est amenée à disparaître, de nombreux Français continueront à vivre en caravane en situation d’itinérance ou pas, certains se percevant comme Voyageurs et d’autres comme Sédentaires .

Le terme Voyageur souvent employé, à tort, comme synonyme de Gens du voyage relève d’une identité à la fois profonde et diffuse de personnes dont l’histoire familiale a été marquée par une longue période d’itinérance .

On peut donc parfaitement se sentir et être perçu comme Voyageur tout en habitant dans un immeuble ou un pavillon depuis plusieurs décennies. A l’inverse, une personne vivant depuis quelques années voire quelques décennies une forte itinérance, mais dont l’histoire familiale est sédentaire, sera perçue et considérée comme un Sédentaire par ceux qui se sentent Voyageurs et comme un Gadjo par ceux qui se définissent comme Tsiganes (3).

L’origine géographique d’où sont, ou seraient, issus une partie des ancêtres de certains Voyageurs contribue également à façonner cette identité (4).

La transmission sur plusieurs générations de métiers tels que celui de Circassien ou de Forain peut être également ressentie comme un marqueur identitaire fort.

L’appartenance à un mouvement religieux, en particulier à la mouvance évangélique, est aussi vécue par certaines personnes comme faisant partie de leur identité.

  • Eléments historiques :

De nombreuses populations autochtones(5) ont, depuis le Moyen-âge et l’accroissement des centres urbains, développé des stratégies économiques liées au travail itinérant : colporteurs, charretiers, forains, saltimbanques, saisonniers, etc.

Les grands conflits comme la guerre de Cent ans puis celle de Trente ans ont vu le développement d’entreprises de guerre comme les Grande Compagnies ou les Routiers(6), mais aussi la fuite des populations villageoises amenées à mendier ou à proposer leurs services ici ou là pour survivre.

Au cours des siècles, en particulier au début du XVe siècle mais surtout pendant la seconde moitié du XIXe siècle, d’autres groupes vinrent se joindre à ces populations d’origine française en situation de mobilité :
- en 1417-1418 arrivée remarquée de groupes de pèlerins fuyants les avancées ottomanes sous la conduite de Ducs et de Comtes de « Petite Egypte » et munis de sauf-conduits du Roi de Bohême(7).

- en 1856 l’abolition de l’esclavage des Roms dans les Principautés roumaines va déclencher une vague de migration de Roms s’auto désignant comme Hongrois vers divers pays d’Europe et du Nouveau Monde. En France le nombre de ces migrants est en fait très modeste.

- en 1860, lors de l’annexion de la Savoie, de nombreux Piémontais parmi lesquels des Sinté-Piémontais exerçant des professions de marionnettistes et saltimbanques (8) vinrent tenter leur chance dans ce vaste espace économique prometteur.

- en 1872, parmi les 130 000 (9) Alsaciens et Mosellans optant pour la France suite à l’annexion par l’Allemagne, certaines familles de Yéniches (10) et de Manouches alsaciens, ayant développé des activités ambulantes, vinrent, munies de certificats d’option, s’installer dans diverses régions françaises.

La loi de 1912, puis celle de 1969 a enfermé aussi bien des populations autochtones que migrantes – dont une partie seulement est d’origine tsigane - dans un statut juridique les assignant de fait à une itinérance structurelle, puisque s’il leur est accordé le droit de circuler, celui de s’arrêter durablement ou de s’installer définitivement quelque part leur est rendu extrêmement difficile.


(1) 22 décembre 2016 – abrogation de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe
(2) A noter que cette expression ne tolère d’être déclinée ni au singulier ni au féminin.
(3) Sont désignés comme Tsiganes des populations ayant de lointaines origines indiennes : les Manouches dont l’histoire familiale est marquée par une longue période germano-alsacienne, les Roms dont l’histoire familiale est marquée par une longue période balkanique ou Europe-orientale et les Gitans dont l’histoire familiale est marquée par une longue période ibérique. L’histoire des Gitans et des Roms n’est pas liée au « nomadisme ». La majorité des Tsiganes européens est historiquement sédentaire.
(4) La très grande majorité des personnes se percevant comme Voyageurs sont d’origine européenne : les Pirdé , originaires de diverses régions françaises et les Yéniches germano-alsaciens. Les Manouches moins nombreux, mais plus « visibles », attirent plus volontiers l’attention des ethnologues et des médias. Ils sont présentés alors souvent à tort comme majoritaires parmi les Voyageurs .
(5) Simples ouvriers agricoles bretons, colporteurs picards ou marchants ambulants auvergnats… ceux que l’on appelle dans le monde du voyage des « Pirdé », c’est à dire des « Voyageurs non-tsiganes ».
(6) A leur tête, souvent un noblaillon, commandant divers corps de métiers nécessaires à la bonne marche et à l’approvisionnement des combattants. Elles sont mobiles, se faisant et se défaisant au gré des batailles et des guerres, en servant le plus offrant. Elles se composent d’un nombre important de logisticiens, de marchands, mais aussi de serviteurs assurant les tâches subalternes. En temps de guerre, leur « salaire » provient essentiellement du partage des butins, et en période de « chômage », ils se livrent au pillage des villageois.
(7) Ces compagnies dites « Egyptiennes » ou « Bohémiennes » serviront par la suite les armées de grands seigneurs féodaux jusqu’à l’interdiction de la guerre privée par Louis XIV en 1682.
(8) A l’origine de grandes familles de circassiens et de forains en France.
(9) En réalité seuls 50 000 Alsaciens et Mosellans quittèrent réellement leur foyer.
(10) Itinérants descendants des entreprises de guerre allemandes, danoises, suédoises datant de la guerre de 30 ans.

 

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